Danielle
28/07/2015
Début juillet, par une chaleur de plomb, j’ai assisté à une excellente (comme toujours) conférence de l’AFraMe (Association Française du Management Equitable) sur le thème Entreprise et Laïcité.
L’AFraMe, www.aframe.fr, est une Association qui vise à l’instauration dans les organisations de pratiques de Management Equitable® fondées sur le principe d’équilibre entre la performance économique/opérationnelle et l’épanouissement personnel permet de créer un mode de relation gagnant/gagnant entre l’entreprise, les collaborateurs et les autres parties prenantes.
Pour évoquer la question de la laïcité en entreprise, deux témoins ont partagé leurs expérience : Jean Grosset, membre du Conseil Economique Social et Environnemental et Sylviane Troadec, DRH du Groupe Paprec.
La problématique de la laïcité pour les entreprises devient un réel sujet depuis 10 à 15 ans et sur ce thème il n'est pas si simple d'appliquer simplement la loi comme on peut le faire pour l'interdiction de fumer dans les bureaux.
Selon Jean Grosset, la France est une république laïque, d’où la confrontation au début du 20ème siècle qui a abouti à la loi de séparation des églises/religions et de l’Etat en 1905.
A cette époque, il s’agissait essentiellement de la séparation de l’Eglise catholique et de l'Etat afin de favoriser la liberté de conscience pour les enfants, éviter toute influence sur des consciences en construction. Dans cette même logique, est recherchée la neutralité des fonctionnaires. De ce fait, la laïcité ne s'applique que dans le secteur public.
A contrario, dans les entreprises privées la liberté religieuse est un droit. Il n’est donc pas possible de « calquer » les solutions du public dans le privé.
Se pose alors la question des entreprises privées comme les crèches en contact avec les enfants, des populations sensibles...
De même, comment peut-on empêcher le prosélytisme religieux dans l'entreprise ?
Il existe un compromis de fait avec l'église catholique, même si des tensions réapparaissent de temps en temps (mariage pour tous...) mais pas de compromis encore avec l'islam aujourd’hui... A titre d’illustration, dans la loi de 1905 le port de la soutane n'est pas considéré comme du prosélytisme et de fait, le port d'un signe extérieur religieux ne constitue pas un fait de prosélytisme, tant que cela ne gêne pas la marche de l'entreprise. Ces signes extérieurs sont par contre interdits dans une école publique.
Le CESE a élaboré des recommandations dans ce domaine :
Paprec Group a été créé en 1994 à la Courneuve, explique Sylviane Troadec DRH du Groupe. L’entreprise a maintenant 4000 collaborateurs de 56 nationalités.
Dans les valeurs du Groupe se retrouvent combattre les discriminations, viser l'excellence, encourager les talents, privilégier l'esprit d'équipe.
La diversité est au cœur du management : âge, sexe, nationalité, culture, formation,et se décline à l’ensemble de la politique RH, pour les recrutements, les promotions, etc.
La diversité ne peut être que plurielle. Elle ne peut se concentrer sur une dimension unique, c’est un cercle vertueux qui développe l'approche par la compétence. Elle oblige au développement du respect et débouche sur le bien vivre ensemble.
Il s’agit chez Paprec d’être indifférent à la différence et promouvoir la bienveillance ! Ainsi les droits et devoirs sont les mêmes pour tous, il n’y pas de prérogative spécifique, ce qui conduit quelquefois à une certaine fermeté mais aucune conviction ne doit être heurtée. De fait, les demandes spécifiques doivent être gérées intelligemment... La laïcité est le complément d'objet direct de la diversité.
Cette philosophie a conduit à l’établissement d'une charte de la laïcité qui aurait pu être une charte de la neutralité.
Ainsi, au nom d’un combat qu’il mène contre les discriminations, Jean-Luc Petithuguenin, PDG fondateur de PAPREC Group, a souhaité que l’ensemble de ses 4000 collaborateurs se prononcent sur l’application d’une charte de laïcité qui sera inscrite au règlement intérieur de Paprec Group. Cette charte a été approuvée par 100% des salariés. Inspirée de la charte de Vincent Peillon pour l'école, elle est un symbole, en aucun cas un outil disciplinaire.
Le groupe a d’ailleurs été récompensé du « Grand Prix national » pour la mise en place d'une charte de la laïcité lors de la 9e édition du Prix de la Laïcité, lundi 27 octobre 2014, en présence de la Maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, du Président du jury, Jean Glavany, député et ancien ministre, et de Patrick Kessel, Président du Comité Laïcité République, organisateur de la manifestation.
Une initiative qui pourrait faire avancer le débat sur la laïcité même si elle est en avance sur la législation et la jurisprudence actuelle.
Danielle Deffontaines