Marielle
22/10/2015
Comment trouver ses marques dans une culture étrangère? Et comment l'intégrer au retour?
En deux années de mission en Thaïlande, il m’est bien sûr arrivé à plusieurs reprises de prendre conscience de petites choses qui me manquaient de la France. Il y a deux ans, si l’on m’avait posé la question « est-ce qu’il existe pour toi une culture spécifique française ? », j’aurais haussé les épaules et répondu sans conviction que «on dit souvent que les Français cuisinent bien ». Mais en partant pendant deux ans, j’ai constaté que de non seulement nombreux produits mais plus fondamentalement des habitudes, des comportements me manquaient, surtout des habitudes de vie que je ne pouvais reproduire là-bas. J’ai fait une croix sur le cinéma, les sorties faciles entre amis ou encore la boulangerie parce qu’il fallait que je fasse pour trouver ce qui ressemble à du pain deux heures de route au minimum. En discutant avec des Français et d’autres étrangers comme moi, j’ai été amusée de réaliser qu’en général, nous retrouvions ses mêmes manques entre personne de même nationalité. Maintenant, je pense que l’on réalise que l’on appartient vraiment à une culture ou à un pays lorsqu’on le quitte. Quand j’étais à l’étranger, combien de fois, me suis-je amusée à imaginer les choses que je ferai en priorité lorsque je reviendrai en France. C’était toujours des choses très simples, comme se cuisiner des plats qui nous étaient inaccessibles, retrouver des amis dans un bar, organiser des sorties etc. Et lorsque j’en parlais avec des personnes d’autres nationalités, on s’amusait à comparer les différentes manières de procéder. Ces moments de projection nous faisaient vraiment du bien ! Et puis finalement, un jour, la date du retour est tombée et il était temps de se préparer. Parce que je pense que le retour se prépare ! Chacun à sa manière et en fonction de ce qu’il a vécu à l’étranger, mais il se prépare. Et je ne parle pas seulement de l’aspect pratique, du déménagement et autre.
Quand j’étais en Thaïlande, l’un de mes objectifs était de parvenir à comprendre la culture des Thaïs, et de m’en rapprocher le plus possible pour apprendre à travailler avec eux ou tout simplement par curiosité et envie de découvrir l’autre. Bien sur, lors de ma formation avec mon ONG, j’avais été prévenue avant le départ du risque aussi de l’acculturation, le fait de renier sa propre culture pour tenter de prendre celle de l’autre. Cela peut s’avérer très dangereux pour nous, parce qu’entre autre, il y a un risque de perte de repères identitaires. J’ai donc voulu en apprendre le plus possible sur la culture thaïe tout en conservant ma propre culture. En réalité, trouver cet équilibre n’a pas forcément été simple au départ car je me retrouvais totalement coupée de ce que je connaissais. Le moyen le plus rassurant au début me semblait donc d’apprendre à faire comme les Thaïs. En quelque sorte donc à vouloir complètement absorber leur culture. Au final, sans m’en rendre vraiment compte, j’ai pris ce que j’appréciais le plus de la culture thaïe, sur leur perception du monde, leur manière de penser ou de fonctionner etc. J’aime particulièrement l’importance qu’ils portent à chaque membre de famille, quelque soit leur âge ou les liens du sang ! J’aime aussi beaucoup leur volonté de prendre le temps de réaliser les choses lorsqu’ils peuvent se le permettre. Cela changeait tellement de ma vie parisienne en accéléré ! J’ai ajouté cette part à ma propre culture et j’ai continué à me construire autour de ça.
Aujourd’hui, je suis rentrée en France. C’est tout neuf, et je commence à voir tout ce qui a changé en moi au cours de ces deux années. Je réalise que cette nouvelle part de culture thaïe que j’ai gagné va devoir s’adapter pour trouver sa place dans cet autre espace. Je me rends aussi compte que j’apprécie bien plus qu’avant des gestes simples du quotidien. Je prends du recul sur un environnement que d’un coté, je connais par cœur pour y avoir quasiment toujours vécu. Et d’un autre coté, je vois désormais que cet environnement est différent parce que j’en ai une autre perception grâce à ces deux années ailleurs. A partir de maintenant le programme se résumera donc en un seul mot : réajustement. Se réajuster pour continuer à être soi tout en s’adaptant à la manière de fonctionner de son pays. Se réajuster aussi pour ne pas oublier ce que l’on a appris au cours de ces années, parce que ça peut paraitre plus simple pour se réinsérer.
Mais en attendant, rien de mieux que de pouvoir enfin mettre à exécution les plans que j’avais préparé depuis si longtemps à savoir : profiter de ses proches, de ses amis et…de la cuisine. Parce que oui, définitivement, les Français savent cuisiner !
Camille a passé deux ans dans le nord de la Thaïlande. Chef de projet humanitaire pour l’Association Enfants du Mékong, elle a développé, entre autres des projets d’accès à l’eau potable, de construction de salle de classe ou de dortoirs dans les internats.